- sakuraAdmin
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Date d'inscription : 03/03/2020
Maitriser son esprit
Mer 20 Mai - 19:29
MARIKPA OU L’IGNORANCE
II est nécessaire, tout d’abord, d’avoir une véritable compréhension de ce que nous sommes et de la nature intime de bouddha. Tous les êtres sans exception, notamment les humains, ont des qualités intrinsèques de sagesse et de compréhension qu’il suffît de laisser réémerger. L’aspect de sagesse est déjà présent, mais il est temporairement recouvert par marikpa. Ce terme signifie : être dans l’état d’ignorance, ne pas être conscient des pensées qui nous animent ni du sens de nos actions. Pour réaliser la nature de bouddha, on apprend à devenir conscient de l’état d’ignorance afin de le transformer.Tous les enseignements du Bouddha ont pour objectif premier d’apporter un éclairage sur ce qu’est l’ignorance, sur ce qu’elle implique et sur la manière d’y remédier. Beaucoup d’enseignements expliquent que le plus important est de prendre conscience de ce qui se manifeste dans l’esprit, pour ainsi comprendre les conditions où sont plongés tous les êtres, dont nous-même. Si nous entreprenons une action, il s’agit de l’exécuter en connaissance de cause.
Les enseignements du Bouddha conseillent de s’entraîner sans rechercher de solution extérieure. Nous avons trop souvent tendance à penser que l’extérieur est l’unique source d’intérêt, et notre attention s’y porte naturellement pour en recevoir des bienfaits. Cela est vrai en partie, mais il faut voir que l’essentiel est en nous-même et que c’est à notre propre esprit de s’entraîner. Si l’on comprend que toutes les solutions sont déjà présentes en nous, on peut exercer l’esprit à prendre plus profondément conscience de sa propre nature, à être de plus en plus présent à lui-même. Pour remédier à la confusion qui naît de cette habitude de sans cesse porter l’attention vers l’extérieur, on essaie de se tourner vers soi-même et d’observer l’état dans lequel on se trouve. L’esprit est semblable à un éléphant sauvage qu’il faut progressivement apaiser et maîtriser, de façon à canaliser ses grandes capacités dans un sens positif. L’esprit est vagabond. En l’observant, on prend conscience de la situation dans laquelle on se trouve et des émotions perturbatrices, sources de tension et de confusion à l’intérieur de nous.
L’ignorance dont il est question ici ne doit pas être entendue dans le sens de stupidité ou de manque d’éducation : elle renvoie à un état qui peut être clair en soi, mais dont on n’a pas conscience.
Plutôt que de parler d’ignorance, on devrait dire "le fait de ne pas avoir conscience".
La plupart du temps, nous sommes dans un état d’esprit limité, et pourtant l’esprit peut dépasser ces limites car il possède une dimension illimitée. Ce
manque de conscience de l’état illimité de l’esprit nous plonge dans l’ignorance. L’esprit est très actif pendant la journée ou la nuit, mais une dimension de liberté est perdue à cause du manque d’espace entre les pensées ; l’esprit en lui-même est clair, mais temporairement enfermé dans certaines limites. Au début, on ne sait même pas qu’on possède ce potentiel. Une fois qu’on l’a découvert, on tente d’en prendre véritablement conscience, mais on se heurte à la difficulté de trouver l’espace permettant une telle prise de conscience car l’esprit est toujours préoccupé par des pensées : en regardant à l’intérieur, on s’aperçoit qu’un flot incessant de pensées nous bloque continuellement.
Il est très important de retrouver cet espace qui permet de s’ouvrir aux qualités de bouddha. Pour cela, on utilise la discipline ; et de nouveau apparaît l’image de l’éléphant à dompter. La discipline nous permet d’acquérir la maîtrise de l’esprit, car elle nous apprend à utiliser l’esprit de manière à être conscient de tous les actes que l’on entreprend.
La discipline peut être envisagée selon deux aspects. L’aspect ordinaire consiste à imposer des règles à une personne ayant un comportement erroné, l’autre aspect représente un engagement de conduite personnelle en accord avec ses propres souhaits. Cette harmonie sert à retrouver l’espace intérieur et à prendre conscience de chaque instant, car si l’on est physiquement présent mais que l’esprit n’est pas là, on se trouve dans l’incapacité de contrôler les situations, ce qui représente une entrave pour le développement de l’aspect de sagesse. On doit donc entraîner l’esprit à être là, ici et maintenant, et l’exercer à ne pas vagabonder sans véritable objectif. Nous éprouvons tous la sensation de posséder une certaine lucidité, tout en partageant le sentiment qu’effectivement existe une dimension plus vaste de compréhension et de connaissance, sentiment qui nous pousse à tenter d’aller plus loin. La méconnaissance des moyens à utiliser pour atteindre ce but conduit à la déception et à la perturbation de l’esprit. La clé du chemin vers la connaissance et la sagesse consiste à retrouver un espace intérieur et à établir l’esprit dans la conscience de soi.
L’exemple d’un étang un peu agité est souvent utilisé. Sous l’influence du mouvement, des particules de boue troublent l’eau et le fond n’est plus visible ; pourtant, même trouble, l’eau possède toujours la qualité de limpidité. Cette qualité de l’eau disparaît temporairement et ne s’exprime plus dans la mesure où beaucoup d’impuretés sont en suspension. Il en va de même pour l’esprit troublé par la confusion. L’esprit a une grande capacité de clarté, mais sous l’influence de l’agitation intérieure, la lucidité ne s’exprime plus. Afin que cette qualité revienne, l’esprit doit être apaisé, tout comme l’eau boueuse doit reposer afin de redevenir limpide.
En retrouvant l’espace et en prenant conscience de soi, on peut s’ouvrir à la dimension de lucidité de l’esprit. Quantité de pensées sont présentes en nous. Nous devons prendre conscience qu’elles ont une dimension de sagesse et une dimension illusoire : des certitudes et des doutes se mélangent tout à la fois dans l’esprit, ce qui ne laisse pas beaucoup de place pour un espace à travers lequel regarder et être à l’aise.
En premier lieu, le Bouddha a enseigné de rechercher l’espace qui permet d’accéder à soi-même et de s’entraîner à percevoir sa propre nature de bouddha. Ainsi se crée une habitude qui peu à peu remplace l’ancienne habitude dans laquelle nous n’avions pas assez d’espace. Cela ne veut pas dire que nous sommes différents ou que notre comportement est modifié d’une façon radicale, car nous vivons de la même manière. Mais, au lieu de manquer d’espace, notre capacité de regard et de conscience s’accroît.
Jigme Rinpoché
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- Rem.
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Date d'inscription : 01/03/2020
Re: Maitriser son esprit
Mer 20 Mai - 21:10
Ce texte mentionne beaucoup l'idée "d'espace" ; il faut peut-être ajouter que cet espace doit être vivant. Il y a beaucoup d'espace dans la mort, mais ce n'est pas ce qui est recherché. De même l'analogie avec l'eau troublée se purifiant dans l'immobilité, en se décantant, est pertinente, mais limitée : l'eau d'une source (sans cesse jaillissante) est pure également. Peut-être que l'image de la source est plus proche de la pratique des bouddhas que l'image de l'étang.
EDIT : j'ajoute quelques éléments.
En zazen on ne fait pas rien, on n'est pas juste immobile. Ce que l'on fait en zazen dépasse l'opposition entre "faire" et "ne pas faire" car ce qui se fait est naturel, sans grande intervention, mais ce "laisser faire" est un faire et ce n'est pas "laisser faire n'importe quoi". Le souffle est un peu comme une pompe accélérant / permettant la filtration de l'eau, pour reprendre l'image.
Il y a donc une opposition à dépasser entre "cessation" et "activation" ; entre "penser" et "ne pas penser". En se rapprochant de l'absence de mouvement, on découvre que l'immobilité n'est qu'un mouvement plus subtil, plus délicat. En s'approchant du mouvement pur (en "samu" par exemple) on se rend compte que ce mouvement n'est qu'une immobilité combinée entre les choses déplacées et l'esprit s'accordant naturellement.
EDIT : j'ajoute quelques éléments.
En zazen on ne fait pas rien, on n'est pas juste immobile. Ce que l'on fait en zazen dépasse l'opposition entre "faire" et "ne pas faire" car ce qui se fait est naturel, sans grande intervention, mais ce "laisser faire" est un faire et ce n'est pas "laisser faire n'importe quoi". Le souffle est un peu comme une pompe accélérant / permettant la filtration de l'eau, pour reprendre l'image.
Il y a donc une opposition à dépasser entre "cessation" et "activation" ; entre "penser" et "ne pas penser". En se rapprochant de l'absence de mouvement, on découvre que l'immobilité n'est qu'un mouvement plus subtil, plus délicat. En s'approchant du mouvement pur (en "samu" par exemple) on se rend compte que ce mouvement n'est qu'une immobilité combinée entre les choses déplacées et l'esprit s'accordant naturellement.
- sakuraAdmin
- Messages : 339
Date d'inscription : 03/03/2020
Re: Maitriser son esprit
Jeu 21 Mai - 11:43
Je vois cet espace comme un espace à trouver dans notre esprit. Comme on peut le faire en zazen, parce qu'en conceptualisant tout , notre esprit est limité et nous ne trouvons pas la nature de bouddha;
Je ne vois pas ce qui est incompatible.
Je ne vois pas ce qui est incompatible.
- Rem.
- Messages : 719
Date d'inscription : 01/03/2020
Re: Maitriser son esprit
Ven 22 Mai - 10:24
"Espace" est un concept, "faire zazen" est un concept, "nature de Bouddha" est un concept.
Notre esprit n'est pas limité par les concepts. Les concepts ne gênent que les concepts, ils ne gênent pas l'esprit.
Les concepts ne sont pas une mauvaise chose, ni une bonne. Il y en a des plus ou moins bien foutus, qu'on maîtrise plus ou moins bien, qui nous maîtrise plus ou moins.
Notre esprit n'est pas limité par les concepts. Les concepts ne gênent que les concepts, ils ne gênent pas l'esprit.
Les concepts ne sont pas une mauvaise chose, ni une bonne. Il y en a des plus ou moins bien foutus, qu'on maîtrise plus ou moins bien, qui nous maîtrise plus ou moins.
- InvitéInvité
Re: Maitriser son esprit
Ven 22 Mai - 15:51
Ce qu'il faut dire peut-être, c'est que la conscience est un champs où s'amalgament la sphère organique (5 sens) et la sphère inorganique (les concepts en l'occurrence). L'erreur serait de chercher à planifier une perception consciente de sorte à ce qu'elle soit complètement privée soit de l'expression d'une sphère, soit de l'expression de l'autre. Il y-aurait une subtile complémentarité à découvrir qui justement nous exempterait de faire usage de la volonté aux fins de tenter de calibrer le champs de la conscience à l'image de l'idéal que nous pourrions nous en faire. Ce calibrage est surnuméraire et il est ce qui empêche ces deux sphères de s'exprimer en toute liberté, dans une forme de pénétration mutuelle.
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