Poèmes maison.

Aujourd'hui je nuancerai un peu plus. Il ne s'agit pas de complétement laisser tomber le moi ou l'égo. Plutôt de le placer correctement. En ce sens, c'est très utile de dire, comme Mathieu Ricard, que nous devons aussi en tant que petit égo, être l'objet de notre propre compassion, dans une certaine mesure. Ex. : si je meurs d'envie de boire un café ce matin (alors que j'ai des choses à faire), je peux en regardant clairement la situation, décider que finalement, ce petit plaisir égoïste n'est pas méchant et permettra de mieux aborder la journée ensuite, donc, à la fois pour moi et pour les autres, je peux tout à fait me prendre 5 minutes pour boire paisiblement mon café ; cet acte égoïste n'est pas qu'égoïste. Cela évite de sombrer dans une ascèse qui ne serait pas la voie du milieu (même si de temps en temps en retraites ou autres, lutter frontalement contre ses désirs peut être utile). Mais pour que cela fonctionne, il faudrait quelque part être capable de faire le choix différent, qui dans l'exemple donnerait : "ok j'ai beau crever d'envie de boire ce café, là je suis grave à la bourre alors tant pis et c'est pas grave."

Cela permet aussi d'amorcer plus en douceur les transitions ; et cela permet d'éviter des chocs trop violents lors des prises de conscience qui font de certaines expériences d'éveil des séismes potentiellement traumatisants. Parce qu'il ne s'agit pas non plus de se mettre à se haïr dés qu'on a une petite envie compatible avec sila, la moralité et la discipline.

Rem. a écrit:
Cela permet aussi d'amorcer plus en douceur les transitions ; et cela permet d'éviter des chocs trop violents lors des prises de conscience qui font de certaines expériences d'éveil des séismes potentiellement traumatisants. Parce qu'il ne s'agit pas non plus de se mettre à se haïr dés qu'on a une petite envie compatible avec sila, la moralité et la discipline.

Oui, il y a de ça lors des prises de conscience. ça bouscule un peu.
C'est pas se haïr, c'est être lucide sur ses attachements pour les diminuer, parce que c'est mieux pour soi et les autres. D'où la bienveillance envers soi.
Bienveillance qu'on essaiera aussi d'avoir pour les autres.

Edit: Mais je reconnais que j'exagère un peu sur le regard intérieur. Merci Rem.
Joli avatar.

Je sens qu'il y a quelque chose à dire.
Une mouche vole autour de moi, et ce n'est pas à elle que je vais pouvoir le dire.
Je sens qu'il y a quelque chose à écrire.
J'ai une bière, ouverte, une IPA amère et douce. Encore fraîche. Je bois un peu trop.

Je l'avoue.

Mais ce n'est pas encore ça que je sentais, que je sentais qu'il fallait dire, ou écrire.

Ce qu'il fallait dire ou écrire, je le cherchais dans un rythme. Comme sur la courbe d'une onde sinusoïdale, ce qu'il fallait dire se déplaçait, tantôt en haut, tantôt en bas. Imperceptible. Et pourtant ce non-vu semblait si cœur. Depuis toujours. Plus cœur encore que le cœur. Le battement qui fait cœur, la pulsation à venir et déjà là pour laquelle seulement un muscle cardiaque s'est placé dans la symphonie, sans vraiment forcer, sans jouer des coudes.

Ce qu'il faudra dire ou écrire, je l'aurai déjà dit quand je le dirai ou que je l'écrirai. Il n'y a pas bien plus à faire qu'à tourner autour, et se laisser tourner autour.

La mouche, elle, me tourne autour. Elle n'a pas besoin de savoir pour le faire. A moins qu'elle sache. Je ne sais pas.

J'ai fait une pause pour boire une gorgée de bière.

Je soulève les yeux, le rythme me manque un peu, je me sens con à dire je, mais je sais bien que c'est pas vraiment je non plus. C'est un pan de réel, et c'est la mouche qui veut dire et écrire, elle ne le sait pas, mais elle le sent.

C'est mon ficus, derrière l'ordi, qui pousse en trèfle et qui veut s'écrire. Mon paquet de polycopiés sur une nouvelle de Buzatti, il veut aussi se dire et s'écrire.

Je ressens des appels. Ils traversent.

Je reprends une gorgée.

Ce n'est pas bien solide, ce je. C'est indispensable. S'il vous plait, ne comprenez pas mal le bouddhisme. Ce je n'est pas bien important, c'est sûr, mais il est tout de même à la rencontre d'une mouche, d'une bière, de Buzatti, de vous qui lisez, d'un ficus, et j'ajoute pour conclure :

- une toile cirée jaune aux motifs douteux posée sur une table ayant été fabriquée en RDA et ayant donc au moins 31 ans
- un four encastré indiquant 22:32 en lettres vertes, presque jaune
- un frigo rempli, à l'intérieur, de légumes, de quelques bières, et à l'extérieur d'une carte postale du Vietnam (Ha Long Bay), d'une liste de course jamais réalisée, d'un emploi du temps, etc.
- un évier débordant de vaisselle sale
- une gamelle contenant des croquettes pour chat
- une mouche absente, envolée par la fenêtre entre-ouverte, vers la lune ou vers une autre connerie nocturne, qui sait...