Shukke, "Quitter la maison" de maître Dôgen

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"« Quitter la demeure pour se faire moine » [Shukke 出家] est le premier texte du recueil à avoir été présenté au monastère de la Paix éternelle [Eihei-ji 永平寺][1] et le dernier du recueil dite l’« Ancienne édition » [Kyûsô旧草] en 75 textes. Ici, nous voyons l’astuce littéraire de Dôgen terminant le recueil avec le thème du départ pour affirmer la valeur absolue de l’état religieux. En effet, le texte illustre un aspect majeur du « second Dôgen » avec son penchant pour le monachisme radical. Cela dit, comme nous l’avons déjà signalé à maintes reprises dans les tomes précédents, il ne faudrait pas pour autant oublier le caractère foncièrement contradictoire de la pensée du maître japonais. Le « Déploiement du cœur de l’Eveil » [Hotsumujôshin発無上心 ][2] exposé en 1244, soit juste deux années avant la réalisation du Shukke, témoigne d’une grande ouverture à l’égard du monde séculier mettant en relief des merveilles du déploiement du cœur de l’Eveil dans la vie des laïcs : zaike 在家. "

Ces deux textes ne se destinaient pas aux mêmes personnes.

Pour ce qui est de "quitter la demeure", en Inde, il me semble qu'il y a dans de nombreuses traditions hindoues cette idée : un homme fonde une famille, transmets et assure ainsi la continuité de la tradition, et vers ses 40, 50 ou 60 ans, se retire en ashram pour "quitter la demeure" justement et se consacrer à la pratique spirituelle.

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"Quitter la demeure" (ou "la famille" Y. O. précise l'existence de ces deux traductions) semble assez naturellement favoriser la concentration sur la pratique ainsi que la disponibilité pour tous les êtres.

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D'un autre côté, Dôgen écrit cela avant que de nombreux moines ne sortent du célibat. Et si on peut penser que le célibat religieux associé à "quitter la demeure" pour se consacrer à la pratique doit permettre d'intensifier ou de purifier les objectifs, on se rend malheureusement compte que cela n'empêche pas d'autres dérives parfois pires, ce dans toutes les traditions spirituelles.

Si donc je peux comprendre que "quitter la demeure" puisse paraitre à certains moments judicieux, cela peut :

1 - Empêcher de comprendre les femmes et hommes ordinaires ayant famille
2 - Empêcher de bénéficier de retours éventuellement correctifs auprès des siens
3 - Accentuer dans l'ombre la portée de désirs sexuels
4 - Remplacer le prestige familial par le prestige monastique
5 - Soit donner une aura mystique au moine, soit au contraire le désigner, aux yeux du monde, comme un être isolé, ayant peu à apporter.


J'en conclus personnellement que la nécessité de "quitter la demeure" doit se faire avant tout en intention (cf la petite image de Yoda que je vous ressors, pour le plaisir, ci-dessus) et totalement. Cette pratique du "sans appui" n'empêchera en rien de nombreux maîtres avec famille de réussir à atteindre quelque chose de vrai. C'est un peu comme le chevalier de la foi de Kierkegaard. Normal (bourgeois) --> Solitaire et tourmenté (en quête) --> normal (bourgeois) ; une fois réalisé l'absolu (de l'immanence pour le bouddhisme zen, et pour le dire incroyablement vite et caricaturalement) une situation de unsui (nuages et pluies) ou de président de la république (cf Marc-Aurèle empereur pour avoir quelques traces permettant de penser qu'on peut aller loin dans une pratique en étant même empereur du plus grand empire de son époque), si elle est "sans appui", cela revient au même dans la pratique.

Rem. a écrit:Pour ce qui est de "quitter la demeure", en Inde, il me semble qu'il y a dans de nombreuses traditions hindoues cette idée : un homme fonde une famille, transmets et assure ainsi la continuité de la tradition, et vers ses 40, 50 ou 60 ans, se retire en ashram pour "quitter la demeure" justement et se consacrer à la pratique spirituelle.

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"Quitter la demeure" (ou "la famille" Y. O. précise l'existence de ces deux traductions) semble assez naturellement favoriser la concentration sur la pratique ainsi que la disponibilité pour tous les êtres.

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D'un autre côté, Dôgen écrit cela avant que de nombreux moines ne sortent du célibat. Et si on peut penser que le célibat religieux associé à "quitter la demeure" pour se consacrer à la pratique doit permettre d'intensifier ou de purifier les objectifs, on se rend malheureusement compte que cela n'empêche pas d'autres dérives parfois pires, ce dans toutes les traditions spirituelles.

Si donc je peux comprendre que "quitter la demeure" puisse paraitre à certains moments judicieux, cela peut :

1 - Empêcher de comprendre les femmes et hommes ordinaires ayant famille

Est-ce que le bouddha qui avait eu femmes et enfants avant de quitter la maison était moins compréhensif des laïcs ayant famille? Je ne crois pas.

2 - Empêcher de bénéficier de retours éventuellement correctifs auprès des siens

Le bouddha a toujours souhaité maintenir une proximité avec les laïcs par le biais de la mendicité. Le retour correctif c'était éventuellement de ne pas recevoir de nourriture

3 - Accentuer dans l'ombre la portée de désirs sexuels

Le bouddha prônait la maitrise des désirs sexuels et autant que possible l'abstinence mais les préceptes ne sont pas des interdits figés... ce qui est déconseillé ce sont les inconduites sexuelles.... tant et si bien qu'aujourd'hui un moine bouddhiste peut avoir une famille et des enfants comme c'est le cas de Issho Fujita

4 - Remplacer le prestige familial par le prestige monastique.

Le bouddha prône la pauvreté et la mendicité... parler du prestige monastique n'a de sens que dans certaine période ou la voie monastique a été dévoyé avec l'enrichissement des monastères ce qui a eu souvent pour conséquence des persécutions de la part du pouvoir en place.

5 - Soit donner une aura mystique au moine, soit au contraire le désigner, aux yeux du monde, comme un être isolé, ayant peu à apporter.


J'en conclus personnellement que la nécessité de "quitter la demeure" doit se faire avant tout en intention (cf la petite image de Yoda que je vous ressors, pour le plaisir, ci-dessus) et totalement. Cette pratique du "sans appui" n'empêchera en rien de nombreux maîtres avec famille de réussir à atteindre quelque chose de vrai. C'est un peu comme le chevalier de la foi de Kierkegaard. Normal (bourgeois) --> Solitaire et tourmenté (en quête) --> normal (bourgeois) ; une fois réalisé l'absolu (de l'immanence pour le bouddhisme zen, et pour le dire incroyablement vite et caricaturalement) une situation de unsui (nuages et pluies) ou de président de la république (cf Marc-Aurèle empereur pour avoir quelques traces permettant de penser qu'on peut aller loin dans une pratique en étant même empereur du plus grand empire de son époque), si elle est "sans appui", cela revient au même dans la pratique.

Dans la logique du Bouddha, il n'était pas question que toute l'humanité devienne en même temps des moines. Je rappelle que le but du jeu ce n'est pas le bonheur ou le bien-être mais la libération. Pour se libérer les moines ont besoin des laïcs et les laïcs des moines. Dans le bouddhisme ancien ce sont les moines qui se libèrent en premier, grâce aux laïcs. Dans le Mahayana, les moines font le va et vient pour aider les laïcs. L'ordination de Bodhisattva est une ordination en tant que laïc contrairement à celle de moine. A l'AZI on dit qu'il n'y a pas de hiérarchie entre ceux qui sont ordonnés Bodhisattva et ceux qui sont ordonnés moines mais dans les faits c'est un peu différents puisque par exemple je ne pense pas qu'un Bodhisattva puisse recevoir le Shiho. Il doit se faire ordonner moine.

Mais même si tu n'es pas intéressé par la vie monastique, tu peux passer du temps dans un temple en tant que laïc sans même te faire ordonner Bodhisattva puisque c'est mon cas.

Il est plus difficile de s'éveiller tout seul dans son coin c'est pourquoi le Bouddha a penser l'interdépendance entre moines et laïcs pour que tout le monde se tire vers le haut.

L'ordination de "bodhisattva" à l'AZI est une inexactitude deshimarienne.
La tradition sôtô est qu'il n'y a pas d'ordination plénière (les quelque 245 préceptes de bhikhu). Il y a l'ordination de bodhisattva : 16 préceptes.
Ce que l'AZI appelle ordination de moine, c'est l'ordination de bodhisattva de la Sôtôshû.

D’après une légende amérindienne, quand le martin pécheur plonge dans l’eau pour pécher puis en ressort, il se transforme en hérisson. Il ne recouvrera son apparence première qu’après avoir digéré.

Yudo, maître zen a écrit:L'ordination de "bodhisattva" à l'AZI est une inexactitude deshimarienne.
La tradition sôtô est qu'il n'y  a pas d'ordination plénière (les quelque 245 préceptes de bhikhu). Il y a l'ordination de bodhisattva : 16 préceptes.
Ce que l'AZI appelle ordination de moine, c'est l'ordination de bodhisattva de la Sôtôshû.

Une "inexactitude" ou une adaptation/simplification pour les européens?

Je ne comprends pas... S'il n'y a pas d’ordination plénière dans la tradition sôtô il y a bien des moines...

tchamba a écrit:

Yudo, maître zen a écrit:L'ordination de "bodhisattva" à l'AZI est une inexactitude deshimarienne.
La tradition sôtô est qu'il n'y  a pas d'ordination plénière (les quelque 245 préceptes de bhikhu). Il y a l'ordination de bodhisattva : 16 préceptes.
Ce que l'AZI appelle ordination de moine, c'est l'ordination de bodhisattva de la Sôtôshû.

Une "inexactitude" ou une adaptation/simplification pour les européens?

Je ne comprends pas... S'il n'y a pas d’ordination plénière dans la tradition sôtô il y a bien des moines...

Il y a des bonzes, pour la plupart (obôsan) qui sont mariés et qui sont à toutes fins utiles des curés de paroisse. Dans les monastères, les bonzes sont des moines par nécessité monastique. La plupart du temps, ils le sont pour le temps de leur formation, avant de devenir (voir plus haut).
Dans tous les cas de figure, ils prennent les (16) voeux de bodhisattva. Le reste dépend de ce qu'ils font de leur vie.

Dans certains cas, et à titre temporaire, les laïcs vont éventuellement prendre les 5 voeux de laïcs.

wiki Bodhisattva a écrit:Un passage du Sutta Nipata donne un peu plus de précisions, indiquant qu’il s'agit d’une voie dans laquelle Gautama s’est engagé volontairement par compassion.

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copyright: Nanabozho (Gichi Wabush)"

Nanabozho (Gichi Wabush) a écrit:
[Cunda le forgeron:]
"Je demande au sage à l'abondant discernement,
éveillé, seigneur du Dhamma, libre d'envies,
           suprême parmi les bipèdes,
       le meilleur des cochers:
   "Combien de contemplatifs
   y a-t-il dans le monde?
       Dites-le moi, je vous prie."

[Le Bouddha:]
"Quatre contemplatifs, Cunda. Il n'en est pas un cinquième.
Si tu me le demandes face-à-face, je te l'expliquerai:
   le Vainqueur de la voie,
   l'enseignant de la voie,
   celui qui vit selon la voie,
   et celui qui corromp la voie."
(...)

Yudo, maître zen a écrit:

tchamba a écrit:

Yudo, maître zen a écrit:L'ordination de "bodhisattva" à l'AZI est une inexactitude deshimarienne.
La tradition sôtô est qu'il n'y  a pas d'ordination plénière (les quelque 245 préceptes de bhikhu). Il y a l'ordination de bodhisattva : 16 préceptes.
Ce que l'AZI appelle ordination de moine, c'est l'ordination de bodhisattva de la Sôtôshû.

Une "inexactitude" ou une adaptation/simplification pour les européens?

Je ne comprends pas... S'il n'y a pas d’ordination plénière dans la tradition sôtô il y a bien des moines...

Il y a des bonzes, pour la plupart (obôsan) qui sont mariés et qui sont à toutes fins utiles des curés de paroisse. Dans les monastères, les bonzes sont des moines par nécessité monastique. La plupart du temps, ils le sont pour le temps de leur formation, avant de devenir (voir plus haut).
Dans tous les cas de figure, ils prennent les (16) voeux de bodhisattva. Le reste dépend de ce qu'ils font de leur vie.

Dans certains cas, et à titre temporaire, les laïcs vont éventuellement prendre les 5 voeux de laïcs.

Merci pour les précisions... Le terme "bonze" ne sonne pas très bien en français.... contrairement à moine... comme le terme dojo qui sonne mieux que zendo même si peut-être qu'avec l'habitude tout le monde s'y serait fait.

tchamba a écrit:

Merci pour les précisions... Le terme "bonze" ne sonne pas très bien en français.... contrairement à moine... comme le terme dojo qui sonne mieux que zendo même si peut-être qu'avec l'habitude tout le monde s'y serait fait.

il est pourtant non seulement technique mais étymologiquement approprié, puisqu'il est directement emprunté au japonais. "Boozu", littéralement, "qui a une cellule". Moine est absolument inexact pour quelqu'un qui ne vit pas en monastère.

Yudo, maître zen a écrit:

tchamba a écrit:

Merci pour les précisions... Le terme "bonze" ne sonne pas très bien en français.... contrairement à moine... comme le terme dojo qui sonne mieux que zendo même si peut-être qu'avec l'habitude tout le monde s'y serait fait.

il est pourtant non seulement technique mais étymologiquement approprié, puisqu'il est directement emprunté au japonais. "Boozu", littéralement, "qui a une cellule". Moine est absolument inexact pour quelqu'un qui ne vit pas en monastère.

Ça je l''ai toujours dit (que moine quand tu ne vis pas dans un monastère c'est bizarre et sujet à minsinterprétation). Mais Bonze j'ai du mal et je ne dois pas être le seul... trop proche de "gonze" qui a donné le mot "gonzesse". En se forçant un peu on peut voir dans le dojo une sorte de monastère mais c'est un peu tiré par les cheveux.

ll reste le mot "prêtre" qui peut faire bondir (les anglo-saxons l'utilisent beaucoup) mais dont l'étymologie renvoie à "ancien" (presbyter)

Yudo, maître zen a écrit:ll reste le mot "prêtre" qui peut faire bondir (les anglo-saxons l'utilisent beaucoup) mais dont l'étymologie renvoie à "ancien" (presbyter)

Vous dites comme vous voulez, quoiqu'il en soit "l'habit ne fait pas le moine".