Poèmes maison.

cabale de jardin a écrit:[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Ce qu'il y a de bien avec cette "sagesse" c'est que même les imbéciles peuvent la pratiquer. Comme le zen, où il est dit dans plusieurs textes il me semble : peu importe que l'on soit stupide ou malin.

Mais tout cela ne fait guère poème maison, non ?

Rem. a écrit:
Ce qu'il y a de bien avec cette "sagesse" c'est que même les imbéciles peuvent la pratiquer. Comme le zen, où il est dit dans plusieurs textes il me semble : peu importe que l'on soit stupide ou malin.

Mais tout cela ne fait guère poème maison, non ?

Quand il te semble, pour les textes c'est mieux de donner les références,comme ça on sait de quoi on parle pour le contexte.
Et pour la cohérence des messages par rapport au sujet, ce n'est pas pire que les dessins de SHim, chacun ses goûts.

cabale de jardin a écrit:

Rem. a écrit:
Ce qu'il y a de bien avec cette "sagesse" c'est que même les imbéciles peuvent la pratiquer. Comme le zen, où il est dit dans plusieurs textes il me semble : peu importe que l'on soit stupide ou malin.

Mais tout cela ne fait guère poème maison, non ?

Quand il te semble, pour les textes c'est mieux de donner les références,comme ça on sait de quoi on parle pour le contexte.
Et pour la cohérence des messages par rapport au sujet, ce n'est pas pire que les dessins de SHim, chacun ses goûts.

Pour la référence, on trouve cela au début du Sandokaï, par exemple ; mais c'est une idée assez courante dans le zen, qu'on peut retrouver aussi ailleurs, par exemple dans les commentaires que fait Shunryu Suzuki de la parabole des 4 chevaux (L'Esprit du débutant).

avec une transition thématique sur cette idée de stupidité / intelligence sans importance dans le zen:

Henri Michaux, "Bonheur bête" :

Ombre…

Mon regard attiré,
Par l’éclat des feuilles
Que le soleil illumine.
Petit décalage :
Je m’efforce un instant
De contempler
La tranche obscure de l’arbre,
Constatant,
Que je la dois aussi au soleil.

Planter des mots, droits dans le sol.
Une éclaboussure de lumière finalement quelconque surcharge sur un coin du tableau la tache marine.
Forgés en rituels, les poèmes se tiennent, solitaires, dans l'attente un peu anxieuse d'un œil.
Ils sont à la mesure de l'effort d'escalade que requiert, sur un axe, leur déroulé phrastique, et de l'effort de plongée (le plus souvent) que demande, sur un autre axe, la profondeur de n'importe quel mot sur lequel tombera celui qui le fera vivre.
"Tomber" veut ici dire : s’appesantir, s'attarder.
Il y a dans le poème quelques mots-pièges faits pour tomber. Il y a aussi ces mots
auxquels
personne jamais
ne
pense, à moins qu'on bricole sur la disposition pour faire tomber celui qui fera vivre.

C'est avec ces règles, et en puisant dans le stock de l'existant, qu'on écrit un poème.

Il y a d'autres techniques encore, d'un infini nombre.

Mais la boule-abrasive ici atteint à son extrémité close. Elle s'épuise.

Un bourgeon d'éclair pourra bien de nouveau courir en zigzag comme la main de la jardinière clairsemant des radis plantés depuis cinq ou sept
jours.

N'y aurait-il pas une formule, une expression, une chaîne de sons-sens-formes précise, qu'il faudrait enfin dire ?

Qu'il faudrait dire une fois pour toute, et ce serait terminé de tout cela ?

Une seule, peut-être allongée sur deux ou trois phrases si besoin, qui éteindrait ce feu brûlant sans éteindre la vie ?

Pourquoi est-ce que cela devrait être plus compliqué que cela ? Pourquoi serait-ce plus compliqué qu'une seule petite formule ?

N'y aurait-il pas une formule, une expression, une chaîne de sons-sens-formes précise, qu'il faudrait enfin dire ?

Ah, cette formule, pour sûr, aurait nécessairement une parcelle de déroute en elle, cela n'aurait rien d'étonnant qu'elle étonne, n'est-ce pas ?

Peut-être que la formule est à portée de voix et qu'on va bientôt la trouver ? Pourquoi pas ?

Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas se dire ?

Pourquoi est-ce que cela ne pourrait pas s'entendre ? Se répéter ensuite, d'oreille à oreille, dans un calme étonnement, dans un étonnement calme ?

***

Parce que la mer et l'océan déjà la disent, cette formule.

Elle est le lent déploiement des montagnes et des glaciers.
Elle est la vibration particulière sur les rames du tram' qui passe
Elle est ce faux silence : qu'on l'écoute un peu mieux, il y a un petit bruit tout au fond, toujours.
Elle est dans le pli doux des coussinets, dans les pattes des félins,
Elle est dans le glissement furtif des huit pattes de l'araignée,
Elle est dans cet inaudible bruit de bulles de CO2 qui remontent dans une boisson pétillante,
Elle est dans les spasmes nerveux de l'être qui sexuellement jouit,
Elle est (il faudrait tendre l'oreille, il faudrait tendre l'oreille, il faudrait rendre l'oreille tendre !) dans cette résistance de la matière que la ficelle du sachet de thé exerce pour qu'il tienne en suspension, entre deux doigts de femme le maintenant par l'extrémité au-dessus de la tasse avant de l'y plonger,
Elle est dans le bruit d'aspiration (presque un bruit de suçon) quand le dit-sachet rentre dans l'eau encore à peine frémissante,
Elle est dans le rugissement de l'éclair, la nuit plutôt que le jour mais le jour également -on entend toujours un peu moins bien le jour que la nuit, c'est ainsi-,

Elle est dans la lumière, onde qui pourrait fort bien se traduire en sons,
Elle est dans le scintillement de cet écran d'ordinateur (ou de tablette, ou de téléphone).

Elle se confond si bien, elle est si bien partout, qu'on a tôt fait de la croire nulle part, opposant ce que l'on croît par égarement être une contre-preuve à la preuve. C'était aussi une preuve.

Et personne n'est condamné.

Voilà, je ne vaux pas grand chose, je suis pétri de tout un tas d'égarements, je ne le dirai pas autrement : je suis l'homme égaré. Je suis un homme tout à fait égaré qui ne risque pas vraiment maintenant de trouver un trou où se garer. Et j'ai écouté, et voilà, voilà ce que je peux dire, et rien de plus ; parce que j'ai écouté.

Personne,

personne n'est condamné.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

en direct.

"Est-ce que manger quelque chose, c'est le faire disparaître ?"

Quand j'entends les autres je m'en veux soudainement d'user des mêmes mots qu'eux, de les user.

Il faudrait peut-être qu'il n'y ait plus jamais de scène, plus jamais de représentation.

Plus cela s'avance, plus ce qui me va bien, c'est le silence.

Par sursaut je reste bruyant.

Par sursaut j'écris encore deux ou trois poèmes, quatre ou cinq, cela dépend.

Mais enfin, ils ne se tiennent pas encore tout à faut à la hauteur du silence.

Ils sont trop sophistiqués encore.

Trop banals parfois.

C'est par sursaut que j'écris encore un ou cinq poèmes, comme cela vient, tout doucement.

Et je m'en retourne à mon silence

que je n'aurais pas du quitter ; il était plus haut.

Toutes ces illusions,
Pour quelques goûtes de pluie.

l'autre en demeure avait sévi,
griffe accoutumée d'une errance, ou bien
sombre prophétie écartée d'un dos,
plat comme un crêpe ou une route de montagne,
sinueuse,
l'autre, en demeuré, avait sévi de sa rigidification grotesque, grotesque et
charnelle
comme une tombe également, mais plate,
plate comme une route de montagne,
toute surface
en un point donnée
toujours est plate
l'autre en demeure avait ses vies.

Pour quelques rumeurs de plus, étrangement outrée de rien ou presque,
il fallait
lancer la bombe
qu'elle explose,

il serait impensable qu'une telle bombe

n'explose pas

alors il faut la lancer,

puisque la bombe existe,
puisqu'elle est là,
puisqu'elle a comme son tic-tac cosmique
il faut
qu'elle explose.

Certes il suffirait de se lécher les doigts pour les humidifier, et d'appuyer ensuite sur la mèche de la bombe,

et alors la bombe n'exploserait pas.

Mais maintenant qu'elle est là,
maintenant qu'on sait que c'est bien une bombe,
maintenant qu'on est fier d'avoir reconnu l'objet,
maintenant que l'on sait, on le sait pertinemment, que la bombe va bomber, qu'elle va exploser,


si alors elle n'explosait pas,
si alors on appuyait de deux doigts mouillés sur la mèche pour que la bombe finalement
contre toutes attentes
n'explose pas,

alors ce serait un peu comme avoir tort,
on avait tout vu
on avait bien vu la bombe
on savait qu'elle allait exploser
on avait annoncé son explosion

alors même si on pourrait très bien l'éteindre (avec deux doigts mouillés pressés sur la mèche de la bombe, avant qu'elle n'explose)

on ne l'éteint pas, la bombe,

pour avoir raison.

Poème que je pourrai écrire lorsque je serai vieux :



En zazen assis maintenant depuis
plus de vingt ans
que cet étrange silence
même bruyant.

C'est tout de même parfois un peu fatigant,
ce monde,
toutes ces choses.

Mille et mille opinions.

Elles sont toutes dans ma tête.

J'ai déposé ma tête sur la table de chevet et je suis sorti,
je suis parti pour une petite marche,

le ciel était encore là,
peut-être un peu gris,

mais je n'avais plus de tête pour me faire une opinion sur le temps qu'il faisait,

et comme je n'avais plus de tête
je n'avais pas besoin de porter un masque.

A chaque inconvénient son avantage.

Contenant contenu...

L’arbre m’appartiens
Autant que je lui appartiens.
Je contiens le ciel,
Il me contient aussi.
La lune est dans mon œil,
Egalement dans le tien.

Ne plus dire.

Une voiture passe dans la rue, sous la fenêtre.

Le volume de la pièce où je suis
n'a pas de bords.

Certains l'appellent "L'Un", d'autres "Dieu", d'autres le "Tao", d'autres "Bouddha".

Ils ne parlent donc pas tout à fait de la même chose ; c'est aussi qu'on ne peut pas en parler.

Nous pouvons le nommer "cosmos" ou "réalité", et il nous échappe encore.

Nous nous échappons à nous-mêmes, le plus souvent.

"ça" pousse dans les champs, dans les forêts.

"ça" ne peut pas se posséder.

"ça" n'est pas un mot de passe qui servirait à certaines sociétés secrètes comme signe de reconnaissance.

Quoiqu'on ne puisse dire "ça", c'est notre actualisation de "ça" qui pousse chaque respiration, les chats et les taupes et les truites et tout ce qui vit, les arbres et les fleurs, font / sont / participent de "ça".

Quand on dit "ça", on ne dit rien.

Je dis "ça", mais je ne dis rien.

On peut multiplier les mots, on ne dit jamais rien sur "ça".

La nuit dehors est en train de sécher sur mon fil à linge, au loin une cathédrale est éclairée, le tout est saupoudré d'étoiles. Le fond de mon verre de vin : autant ne pas le boire, il y a du dépôt.

Sur les souvenirs des lieux fréquentés, une vieille ride s'étalait, longiligne, souple.
De cette ride partaient de plus petites.
Cela faisait comme un étrange tissu de peau, où les boursouflures d'usage (une ride est un souvenir analogique) prenaient autant d'importance
que la "toile de fond", peau également.

Il aurait fallu disposer d'un œil microscopique pour se rendre compte
que là aussi
vivait comme un monde
d'oubli.

Chan'na, enseignements contemporains du bouddhisme chinois, Yen Chan, édition Almora, p. 30 :

"Se sentir être jusqu'à ne se situer nulle part [...]"

in Chan'na, enseignements contemporains du bouddhisme chinois, Yen Chan, édition Almora, p. 24

Au milieu d'un espace
sans rangements
la toute fin des lumières sur l'horizon couché
plutôt que de s'adonner
aux petites et banales magies
pourquoi ne pas
inventer de nouveaux skandhales ?

Un  truc écrit il y a maintenant presque longtemps, et qui malgré quelques défauts est plutôt moins mauvais que ce que, quelques années plus tard, je commets. Je n'avais pas encore vraiment étudié le bouddhisme plus en détail, mais il y a quelques naïves intuitions qui sont plus justes que mon embrouilli actuel de pseudo-connaissances.

***

Réussir.


Depuis longtemps tu essayes d'être quelqu'un. Tu te cherches. Tu veux trouver ton style, trouver ta place, trouver ton domaine de compétences. Tu veux t'améliorer, tu veux que quelques personnes t'aiment, t'acceptent, te respectent, te comprennent, cherchent ta compagnie. Tu veux apporter quelque chose au monde et tu voudrais qu'on reconnaisse ton utilité, qu'au moins tu sois bon dans quelques activités.

Depuis longtemps tu ne sais pas exactement qui tu es, il faut dire que c'est assez épuisant de se suivre soi-même dans tous les changements de la vie. Enfant puis adolescent, adolescent puis adulte, adulte célibataire puis en couple, adulte sans responsabilité puis oncle, oncle puis père, père puis grand-père, pour ne parler que des liens de famille possibles... Tu as tout un tas de choses à faire correctement pour continuer à être toi-même. Tu es responsable de ton intégrité physique et morale. Tu dois bien avoir une certaine réputation pour continuer à exister dans la société. Tu dois tenir ta place, faire ce que tu dois faire, et éviter de faire ce que tu n'as pas le droit de faire. Tu dois remplir correctement les formulaires administratifs et ne pas perdre ta carte d'identité.

Depuis longtemps tu essayes d'être quelqu'un. Quelqu'un de bien. Tu ne voudrais pas empêcher les autres d'être eux aussi quelqu'un. Tu fais beaucoup d'efforts pour ne pas blesser le "quelqu'un" qu'ils sont, qu'ils pensent être. Tu sais que ce n'est pas si facile que ça d'être quelqu'un alors tu évites de rendre la tâche plus difficile aux autres. Pourtant tu dois toi-aussi essayer d'être quelqu'un alors tu te confrontes aux autres, mais sans jamais vraiment franchir la limite, une limite invisible mais bien réelle : il faut que tu sois le plus possible "quelqu'un", sans trop empêcher les autres d'être aussi "quelqu'un", et d'ailleurs dans les discussions de groupe tu n'aimes pas trop les gens qui ne laissent aucune place aux autres.

Pourtant, tout en restant à ta place, sans déborder sur la place des autres, tu essayes d'être le meilleur quelqu'un possible. C'est tout à fait normal, d'ailleurs tout le monde autour de toi fait ça : tout le monde essaye d'être le meilleur quelqu'un possible. Depuis longtemps tu essayes d'être quelqu'un, mais ça me marche pas tout à fait. Les fissures de ton quelqu'un sont colmatées régulièrement, parfois dans l'urgence, avec tout ce que tu trouves à portée de main : un travail, un objet auquel t'identifier (une voiture par exemple), tes enfants (grâce auxquels tu es un parent), un ami dont tu n'aimes peut-être pas trop le quelqu'un mais grâce auquel ton propre quelqu'un se fortifie un peu, des médicaments, du sport... La liste pourrait être longue, et les choses au lieu d'être les choses deviennent des choses à digérer pour agrandir ton "quelqu'un".

Tu dois bien te l'avouer : souvent les autres sont là pour faire tenir ton quelqu'un, ils sont là pour que tu puisses être quelqu'un de gentil avec eux, quelqu'un de bien, d'intelligent, avec des défauts qui te donnent, tu l'espères, plus de charme et de personnalité que de véritables inconvénients sociaux. Tu as besoin des autres pour être quelqu'un, c'est une évidence. Depuis longtemps tu essayes d'être quelqu'un, mais ça ne marche pas du tout. Tout part en couille, tu dors mal et tu fais des cauchemars la nuit, tu es la proie du regard des passants qui ont le pouvoir de mépriser le quelqu'un que tu essayes, si difficilement, d'être. Tu crains tes proches qui, s'ils s'en allaient ou se disputaient avec toi, risqueraient de transformer peu à peu ton "quelqu'un" en vide.

Tu vieillis et la gamme des "quelqu'uns" possibles se réduit, tu penses à la science qui te dit que la plasticité du cerveau va en diminuant, et tu te dis que ton quelqu'un est sûrement quelque part dans ton cerveau, en train de se raidir, te bloquant dans une zone de "quelques uns" pas si intéressants que ça. Tu es aigri, tu te sens seul avec ton quelqu'un, ton quelqu'un immense qui t'écrase et te demande tant d'efforts, tant de réflexions! Tu mens parfois pour protéger ton quelqu'un ou l'embellir un tout petit peu, oh ce ne sont jamais de gros mensonges, c'est juste que c'est plus simple comme ça, et ton quelqu'un devient compliqué, tu n'arrives plus tout à fait à communiquer avec les autres parce que tu dois passer beaucoup de temps à combler les fissures de ton quelqu'un. Tu vas voir un psychanalyste qui veut t'aider à réparer et à comprendre ton quelqu'un, ou tu cherches à fuir ton quelqu'un, qui te demande trop d'efforts, afin de ne pas l'affronter et alors tu regardes la télévision ou tu lis beaucoup de romans.

Mais en réalité tu passes de plus en plus de temps à penser à ton quelqu'un et la seule solution pour ne pas penser à ton quelqu'un, c'est d'être toujours actif. Ça devient difficile de communiquer avec les autres à cause du poids de ton quelqu'un. Plus tu essayes d'être quelqu'un, plus tu te fatigues. Tu te demandes finalement si tu as eu raison d'essayer d'être "quelqu'un de bien", il aurait peut-être fallu que tu sois un peu plus égoïste pour devenir "quelqu'un de plus efficace"? Tu as peut-être mal choisi ton "quelqu'un"? Et tu passes complètement à côté du problème. Tu ne réalises pas qu'il ne s'agit pas d'un choix entre "être quelqu'un de bien" ou "être quelqu'un d'intelligent", il ne s'agit pas du tout d'un problème d'identité. Tu t'es habitué à un mensonge auquel tout le monde croit, tout simplement. En réalité, tu n'as pas à réussir. Tu n'as pas à être "quelqu'un". Tu n'as pas à faire d'efforts pour maintenir cet illusoire "quelqu'un" qui ne peut pas exister. Tu es devenu incroyablement égoïste sans t'en rendre compte, en essayant de "devenir quelqu'un", et même quelqu'un de bien.

Depuis si longtemps tu essayes d'être quelqu'un! Mais maintenant tu n'essayes plus. Tu as laissé le quelqu'un en toi se fissurer, tomber en miettes, au début c'était assez dur d'ailleurs. Un "quelqu'un" qui s'effondre menace le "quelqu'un" des autres, et comme les autres sont tout autant accrochés à leur "quelqu'un" que toi tu l'étais avant ça peut poser quelques problèmes. Tu te rends compte que beaucoup de "quelques uns" des autres comptaient sur ton "quelqu'un" pour continuer à être leur "quelqu'un". Tu essayes de rompre en douceur parce qu'au fond tu es encore "quelqu'un", et plutôt quelqu'un qui essaye d'être quelqu'un de bien.

Tu progresses vers l'anéantissement de ton quelqu'un, et tu progresses vers la paix, vers l'énergie, et tu aimes les autres au lieu d'aimer leur "quelqu'un" et le tien à travers le leur, et tout pourrait te faire rire d'un rire sonore et plein parce que pour toi le monde n'est plus un jeu de rôles, tu n'as plus à être "quelqu'un", tu n'as plus qu'à être, et tous les problèmes ont disparus, et si tu deviens un imbécile heureux ça ne sera qu'un autre type d'être sans être un "quelqu'un", tu as compris ce qu'était la compassion parce que tu as souffert et que c'est terminé. Tu t'es débarrassé de ce qui en toi pouvait vraiment souffrir, la douleur existe encore mais plus la souffrance car il n'y a plus rien en toi que l'on peut blesser.

Tu comprends maintenant que tu as passé ta vie à essayer d'en rajouter sur ton "quelqu'un" pour qu'il soit vraiment chouette, alors qu'il suffisait d'en enlever peu à peu, et maintenant tu es tout aussi bien un nuage qu'une sensation de froid intense, tu es la lune et la merde de chien dans la rue, et tout est très bien comme ça.

Maintenant que tu n'es plus "quelqu'un", tu peux être tout simplement, et tu seras toujours, parce que tu seras ta mort et le vent dispersant tes cendres ; c'est dur à expliquer, c'est dur de mettre des mots dessus, cela ressemble à une belle connerie "New Age", mais tu sais que c'est la seule vérité : n'étant plus quelqu'un, tu es le fait d'être, et étant le fait d'être, tu seras toujours. Longtemps tu as essayé d'être quelqu'un, de trouver ce quelqu'un qu'il te fallait être. Maintenant tu repenses en riant à cette phrase de Yoda dans Star Wars : "Fais-le ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai". "Sois-le ou ne le sois pas, mais il n'y a pas d'essai". Tu as longtemps essayé d'être quelqu'un, maintenant tu es.


*


Réussir est probablement la pire chose qui puisse vous arriver ; à cause d'une coïncidence, vous pensez avoir trouver votre quelqu'un, mais ça ne durera vraiment pas longtemps. Alors vous essayez de vous maintenir dans la "réussite" (vous êtes de ceux qui réussissent dans la vie) et cela vous use beaucoup, et vous n'acceptez d'être que la réussite de votre "quelqu'un", et c'est dommage pour votre vrai "vous" qui, je vous l'assure, n'est pas "quelqu'un" qu'on peut saisir et illustrer avec une photographie et une liste de diplômes ou de fonctions comme "père, mère, ouvrier, musicien, marathonien etc..."

J'aime beaucoup ton texte. Tu exprimes bien ce dessaisissement du moi qu'on parcourt lorsqu'on entre dans la voie et qui mène vers la compassion et la paix.
Difficile de voir ses attachements et son ignorance tomber en miettes. Difficile quand on regarde en soi et qu'on voit que toute action s'appuie sur une saisie égocentrique ou ne cherche à satisfaire le moi et de se demander comment on peut diminuer ça.
Merci pour ton partage.